Environnement Bon pour l’économie et pour le milieu, mais trop négligé
Il y a d’abord un constat, que nul ne conteste. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le résume au mieux. La crise économique, constate le « spin doctor » des économies occidentales, « ne peut servir d’excuse pour négliger les efforts pour susciter une croissance économique pauvre en carbone ». En clair ? Il faut mettre en œuvre des politiques permettant de faire face au changement climatique et aux autres problèmes environnementaux. Contrairement à ce que l’on pense, cela ne représente pas un coût : « C’est économiquement logique » et au contraire, « tout retard pourrait être coûteux tant pour l’économie que pour l’environnement ». Ici, l’« éco-innovation » a un rôle crucial. Elle « pourrait être une source d’avantages concurrentiels dans le secteur en forte croissance des biens et des services environnementaux », ajoute l’OCDE.
Première difficulté pour une évaluation fiable : le concept d’éco-innovation n’est pas communément admis. On estime qu’il recouvre toutes les innovations bénéficiant à l’environnement. Aussi bien les produits, les services que les processus de production et de gestion. Beaucoup de choses, pas toujours aisément quantifiables. Mais en tout cas essentielles pour la croissance économique. Selon l’OCDE, le seul marché mondial des produits et des services environnementaux est en plein boom. Pour l’Europe, on l’estime à 2,2 % du PNB. Et ici, le retour sur investissement est plus élevé qu’ailleurs.
Qui de l’Europe ou des Etats-Unis mène le bal ? Personne ne peut répondre à cette question. On sait que, globalement, les Etats-Unis dépensent plus que l’Europe en R&D (0,8 % du PNB). C’est, dit la Banque européenne d’investissement, surtout dû au retard de l’Union dans le domaine des technologies de l’information et au fait que les universités américaines attirent les meilleurs experts. Et si la recherche sur le Vieux Continent est performante au niveau fondamental, elle l’est moins pour les applications commerciales. Selon la Commission, « si l’Union est devancée par les USA, le Japon et la Corée, c’est en raison d’un niveau plus faible de recherche financée par le privé ».
Rattraper les retards
Les Européens, selon le European Business Summit, détiennent toujours du leadership en matière d’éco-innovation mais les USA attirent davantage le capital risque, raison pour laquelle, dit un responsable de la Commission, le partenariat public-privé et l’intervention des Etats aux premières étapes de la recherche sont essentiels. Un changement ? Selon une enquête de la Commission, en 2008, les prévisions de croissance des dépenses R&D des principales entreprises de l’Union étaient de 4.6 % ; mieux que le Japon (4.4 %), mais aussi que les Etats-Unis et le Canada (4.3 %). Et les dépenses publiques (15 % du total, dont 5 % pour le niveau européen) ne sont pas en reste. Le 7e plan européen injectera 50,5 milliards d’euros jusqu’en 2013. Et, c’est notable, la Commission a un peu assoupli sa légendaire sévérité à l’égard des aides d’Etats et des marchés publics susceptibles d’avoir un impact positif pour l’environnement. L’exécutif européen financera des projets d’éco-innovation à hauteur de 200 millions entre 2008 et 2013.
Les plans de relance adoptés par les Etats membres mobiliseraient, en combinaison avec l’effort européen 400 milliards d’euros (comparés aux 550 milliards pour l’économie US). Et ils évoquent partiellement – trop peu, regrette l’OCDE – les éco-innovations. On parle d’énergie (les réseaux « intelligents », les infrastructures de gaz), d’internet à large bande, d’éolien off shore, de nanotechnologies, de biotechnologies, de séquestration du carbone… Des mesures permettant de rendre l’économie plus « éco-efficiente », mais qui en réalité sont rarement orientées sur l’environnement.
Les efforts sont en fait loin de suffire, insiste l’OCDE. L’Agence internationale de l’énergie estime qu’il faudrait investir 150 milliards de dollars par an dans le secteur jusqu’en 2020. Dans ce domaine, « les investissements publics ont constamment diminué depuis les années 80. Ils devraient au contraire croître significativement ». Les stratéges d e l’innovation se sont jusqu’à présent peu souciés de l’environnement. Il faudra davantage investir dans la recherche et dans le soutien à la commercialisation des technologies.
DES initiatives
L’éco-innovation figure en bonne place d’une série de plans de relance récemment présentés par les pays développés. Ainsi, le Danemark a mis l’accent sur l’amélioration de l’efficacité des carburants. Comme l’Espagne, il a mis en place un programme d’encouragement de la recherche sur les voitures électriques et les véhicules hybrides « plug-in ». L’Allemagne et les Pays-Bas investiront également dans ce domaine. L’Irlande veut qu’en 2020, 10 % de son transport par route s’effectue en véhicules électriques. La Suède lancera et soutiendra des projets pilotes dans le domaine des agrocaburants de la deuxième génération. Les Pays-Bas, la Slovénie et la Slovaquie feront de même dans l’innovation énergétique. L’Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni ont annoncé un soutien à l’industrie automobile à la condition expresse que celle-ci s’oriente vers des technologies « low carbone ». L’Irlande va créer, en collaboration avec l’industrie, un centre de compétences dans les domaines des matériaux composites, de l’efficacité énergétique, de la bioénergie et de la bioraffinerie.
DE MUELENAERE, MICHEL